Nous prenons connaissance sur les sites Actu-environnement et Novethic des conclusions d’une étude conduite par l’INRA dans le cadre du plan Ecophyto 2018 qui vise à réduire l’usage des produits phytosanitaires.
Mis en place par le Grenelle de l’Environnement, le plan Ecophyto 2018 vise une réduction de 50 % des produits phytosanitaires d’ici huit ans »si possible » et le retrait progressif du marché des produits contenant les 53 substances actives les plus préoccupantes. L’étude conduite par l’INRA vise à montrer comment mettre en oeuvre cet objectif.
Tout d’abord quelques faits remarquables cités dans ces articles:
– Les pesticides ont atteint leur courbe maximale d’efficacité puisque « les pratiques intensives, qui utilisent près de 50 % de pesticides en plus que la moyenne française ont des gains de production modérés (5 % pour les grandes cultures). »
– La baisse du tonnage des pesticides utilisés est trompeuse et ne peut être prise en compte pour souligner un quelconque effort pour diminuer leur usage car les doses ont été concentrées. La FNE rappelle ainsi que le chiffre d’affaires de l’industrie phytosanitaire est lui, en augmentation constante (2,086 milliards d’euros sur la campagne agricole 2007/2008 contre 1,863 pour 00/01).
Le respect de l’engagement du Grenelle passerait donc, selon l’étude, par une généralisation de la production intégrée. La production intégrée est une combinaisons de mesures agronomiques prophylactiques associée à un raisonnement des successions de cultures.
Cela correspondrait à une diminution de la pression pesticides de 50 % en grandes cultures, de 37 % en vigne, de 21 % en arboriculture et une suppression de tous les traitements sur les prairies pour des baisses de production respectives de 12 %, 24 % et 19 %. Soit une perte de 3,5 milliards d’euros (sur la base de 2006), à relativiser car 1,9 milliard est imputable à la viticulture, où le lien entre rendements et recettes n’est pas automatique. De plus, la diminution du recours aux pesticides s’accompagne d’une baisse des charges pour les producteurs.
Autrement dit on peut déduire de cet article que si les agriculteurs voyaient leur rendements baissés il n’est pas évident que cela impliquerait ipso facto une baisse de leurs revenus contrairement à ce que laisse croire l’article d’Actu-environnement. On peut penser au contraire qu’ils pourront vendre leur production à un meilleur prix face à la grande distribution. Il est probable également que l’on cesserait de voir les camions de fruits ou de lait se déverser chaque année devant les supermarchés à cause de prix d’achats dérisoires. La baisse des rendements limitera les risques de surproduction dont profite la grande distribution.
De même les charges des agriculteurs diminueront dramatiquement suite à la diminution de l’usage de pesticides. Au total « il est possible de réduire de 37 à 62 % le recours aux pesticides en augmentant la marge brute ».
Les agriculteurs ayant tout à y gagner financièrement, la baisse de l’usage des pesticides est bien une question de volonté politique et reviens à se poser la question suivante: est-on prêt à payer le vrai prix pour les produits agricoles plutôt que financer l’industrie agro-alimentaire avec des produits agricoles subventionnés et vendus à bas prix.
[…] février 2010 par Vincent Suite à la parution de l’article intitulé ‘Réduire la consommation de pesticides c’est possible’ nous avons reçu de nombreux commentaires de Samuel Génissel, un jeune agriculteur […]
Juste pour vous donner une idée des chiffres et pour vous expliquer (bien que j’ai des stagiaires et de la famille qui m’aide) pourquoi on ne peut pas embaucher.
Aujourd’hui j’ai autour de 180 000 € de chiffres d’affaires (-35 000 € pour cette année) dont 40 000€ de subvention, pour 250 tonnes de lait, 200 tonnes de céréales vendues (j’en consomme pour le troupeau ainsi que le tournesol dont je presse l’huile pour du carburant et que je vends en alimentation cochon 3 tonnes), 20 tonnes de pomme à cidre et 20 tonnes de viandes (mâles en boeuf et vache).
Du coté des charges: 20 000 € de fermage (loyer des terres), 23 000 € d’entretien matériel (8 000€ il y a 7 ans, comme les voitures ça grimpe de réparer), 6000 € frais de gestion, 6 000 € d’assurance, 2600 € d’électricité, 5000 € fioul, 5000 € de charges patronales, 5000€ de charges salariales, 10000€ d’amortissement matériel et 25 000 € d’amortissement bâtiment (j’étais au milieu d’un bourg il a fallut tout refaire pour mettre aux normes plus loin), 12 000€ de frais financier, maintenant la vous allez vouloir justifier le bio (mais mes voisins s’en sortent pas mieux), 15 000 € d’engrais (enlever 6000€ cette année les prix ont chutés), 5000€ de semences (2 000€ de moins cette année j’ai fait blé orge mais impossible en tournesol maïs), traitement 8000€, aliment acheté 5300€ (minéraux et tourteau de colza), 12000€ travail payé à l’entreprise (les récoltes, pas les semis), 12 00 taxes sur les ventes, 7500€ de produits véto (ça devrai diminuer je vaccine plus) 10 000€ frais d’élevage (insémination, paperasse, suivit troupeau, véto) soit 170 000€ de charge.
Cela me laisse 10 000 € de revenu mais je prélève moins (300€/mois, histoire d’avoir une complémentaire sinon je reste chez les parents) car ma trésorerie est plus mauvaise -30 000€ (il a fallu que je finisse le bâtiment en cours terme, comme certaine maison). Sauf que cette année avec la baisse du chiffre d’affaire ça va coincer. J’étais mieux il y a cinq ans environ 20 000€ je prélevais 700 € et je louais un appartement, alors l’écologie ne pourra se faire sans logique économique sur les marchés, en mars je voulais un pré-refroidisseurs de lait pour limiter mes consos électrique aujourd’hui je préfère me battre pour durer plus que son amortissement… or on veut toujours détruire un paysan sur trois d’ici deux ans, logique libéral qui croit aux économies d’échelle, mais le vivant c’est plus compliqué que le fordisme.
Monsieur,
Je voudrais d’abord vous remercier vivement pour votre contribution argumentée. Je comprends que votre situation est extrêmement complexe et je suis ravi que le débat s’engage.
La base de mon raisonnement est la suivante. Avec le système agricole tel qu’il est en place (et le régime alimentaire très carné qui va avec) dans nos sociétés développés et que les pays émergents souhaitent dupliquer, la terre ne pourra tout simplement pas nourrir toute la population du globe. Et ce quelles que soient les tonnes de pesticides et d’engrais que l’on déversera sur les terres agricoles. On voit déjà des états comme la Chine et la Corée du Sud qui tentent d’acheter des terres agricoles dans les états moins développés.
A partir de là il faut commencer à agir avant que les relations ne dégénèrent entre Etat. Je ne pense pas que l’on puisse décemment dire aux pays émergents: surtout ne faites pas ce que je fais car sinon nous allons tous à la catastrophe. C’est à nous états développés riches de terres cultivables et sans pression démographique, de changer notre modèle. Si l’on consomme moins de viande, nous importerons moins de maïs et soja OGM. Nous pourrons produire le maïs sur place et nous libérerons des terres cultivables pour produire des aliments pour l’homme et non pour les bêtes.
Notre combat contre les pesticides est en réalité une action contre l’agriculture ultra-intensive qui n’est pas durable. Il en va de notre propre sécurité alimentaire. Au rythme ou vont les choses, les argentins et les brésiliens n’auront bientôt plus assez de terres cultivables pour nourrir les chinois et les indiens devenus mangeurs de viande. Les prix du maïs et du soja s’envoleront et nous seront à la merci de ces producteurs qui choisiront les meilleurs clients (la Chine..).
Alors autant prendre les devant et montrer au monde qu’il existe un autre modèle d’agriculture soucieuse du terroir, des terres, de l’équilibre bio-climatique et par dessus tout des hommes qui y travaillent.
Je suis paysan, baisser de 30 % oui, je l’ai déjà fait. Par contre prétendre qu’on a tout à y gagner c’est beaucoup plus complexe, car il faut plus de main d’œuvre, pour compenser la chimie par du binage, à l’heure ou tout est délocalisé, dire que cette charge est minime, c’est simpliste.
Deuxièmement non les grandes surfaces ne répercuteront pas le prix, pas plus que quand elles vendent un grille pain français (aux 35 heures, qui finance nos écoles, hôpitaux et tout le reste) c’est avec plus de marge qu’avec un grille pain chinois entrée de gamme.
Le soucis de votre raisonnement est le suivant: on est dans un modèle libéral (je suis contre mais tout les votes nationaux de la terre ne peuvent influer le FMI, l’OMC et la commission Européenne. C’est comme ça fin de la démocratie) et c’est le moins cher donc le niveau de vie le plus bas (avec le moins de social et d’écologie possible) qui gagne; aux hasards la Chine. Donc plus on impose de normes plus on importe POUR LIMITER LE COÛT ALIMENTAIRE.
Aujourd’hui on IMPORTE beaucoup d’huile de palme (une huile plus saturé que le beurre. Regardez le lait materné c’est le premier ingrédient), les soja et maïs OGM (regarder les sauces et ketchup les plats préparés) et bientôt la viande d’Argentine (vive les hormones), une baisse de rendement aura un impact sur l’écologie car il favorisera des produits moins écologiques, on est plus nombreux qu’après guerre (fin du bio quoique ce sera plutôt Pasteur la fin du bio, l’autosuffisance date de 1970) et on a artificialisé énormément de surface nos excédents céréaliers ne couvrent pas la surface de nos importation (il faut 3 fois plus de surface pour produire des protéines que des sucres).
En marché fermé avec des politiques fortes vis-à-vis d’une équivalence de norme et d’une régulation des marges d’une filières, votre logique serai bonne.
On en est loin. L’état souhaite ce désengager par la contractualisation et l’Europe impose une ouverture totale des marchés (la poste…). Par conséquent sans remise en cause sérieuse au niveau économique, votre logique est contre-productive (on a l’exemple de l’Industrie nos voitures financent de moins en moins notre niveau de vie, on arrive même plus à valoriser en France nos ressources renouvelables que sont le bois et le lin textile, …)
Si vous voulez savoir pourquoi on veut d’abord un raisonnement économique quitte à jeter notre lait, visiter le site apli-nationale.org, et regarder les soutiens…